Histoire du feutre


Le feutre est un matériau doux, chaud, imperméable et à de multiples usages, pratiques (vêtements, chapeaux, gants, bottes...) et décoratifs.
Le feutre ne connait pas de frontières, il a été utilisé sur tous les continents.

Le plus ancien artefact de feutre retrouvé, date de la période Néolithique (6500-6300 avant J-C sur une peinture murale, des motifs curvilinéaires rappelant le feutre appliqué: les artistes néolithiques ont peint des copies fidèles de tentures en feutre. ) d'où proviennent l'âge de bronze et l'âge de fer.
Documentation la plus ancienne: Chine, ca. 2300 av. J.-C. et surtout les steppes d'Asie centrale.
Les pièces de feutres les plus fameuses (7ème-2ème sc av J.C) ont été découvertes dans des chambres funéraires en pierre dans les mont Altaï en Sibérie au début du XXème siècle. La glace et l'absence d'air ont préservé le contenu de 212 tumuli, dont une tombe princière contenant aussi bien des fragments que deux grandes murales d'excellent feutre[...]dont une de 4,5 par 6,5 mètres, démontrant des techniques d'appliqués, de mosaïques et d'insertion, accentués de riches motifs brodés. On peut l'admirer au musée de Leningrad.
(An Early Date for the Origin of Felt auteur:BURKETT M. E. 1977, vol. 27, pp. 111-115).

les nomades d'Asie centrale utilisaient abondamment ce matériau. Les "yourtes", tentes pliantes, étaient recouvertes de grands pans de feutre, dont certains s'ornaient d'un décor en tissus appliqués aux couleurs vives; ces habitations abritaient des tapis, des coussins, des accessoires de rangement et des lits de feutre. Ce textile qui servait également à fabriquer vêtements, chapeaux, bottes, manteaux et gants tenait une telle place dans la vie des nomades qu' IXe siècle avant J.-C., les Chinois désignaient leur territoire comme le "pays du feutre".
Durant l’antiquité des peuples aux technologies évoluées (Chinois, Grecs, Romains, etc.) utilisèrent le feutre, comme couverture (de chariot par exemple) ou comme rembourrage de selles ou d’armures, comme pare flèches (un feutre épais arrête mieux que le cuir).Mais le feutre s'est perdu en Europe occidentale à la suite du déclin de l’empire romain et ce sont les croisées qui l’ont ramené de Constantinople.
Aux XIIe et XIIIe siècles, son usage connut un essor considérable en Europe Occidentale et atteignit ensuite l'Amérique du Sud.
En occident, il reprit, en grande partie, la place des cuirs et des fourrures, qui étaient chers et n’offraient pas toujours une protection efficace contre la pluie et la neige. Ainsi des bottes de Cuir glisseront sur la neige qui d’ailleurs les mouillera et les « brûlera » alors que des bottes de feutre (quasi-insensible à l'eau et à la neige) resteront sèches à l'intérieur.
A la fin du moyen Age, les armées cosaques étaient baptisées "troupes de feutre"; notons que les militaires turcs ne cessèrent de se chausser de bottes de feutre dans les années 1950; les sagas islandaises racontent comment on utilisait ce matériau pour la fabrication des selles; à la Révolution française, les Jacobins arboraient un bonnet phrygiens de feutre rouge; tandis qu'au début du XXè siècle, les mineurs se protégeaient la tête avec des casques de feutre durci.

Selon la légende Saint Clément aurait découvert le feutre lorsqu'il était moine errant ; ayant l'habitude de mettre de la fibre de lin dans ses chaussures pour se protéger les pieds, il aurait remarqué que le mélange sueur et lin, écrasé par ses pieds, se trouvait aggloméré. Par la suite, devenu évêque, il aurait formé des groupes de travailleurs pour améliorer la technique. Bien que cette légende ne repose sur rien, Saint Clément est le saint patron des fabricants de feutre et sa fête le 23 novembre est souvent chômée chez les chapeliers.

Aujourd'hui encore, le feutre est indispensable aux communautés nomades du Turkménistan, de l'Ouzbékistan, du Kirghizistan et de certaines régions de la Mongolie et de la Chine, qui s'en servent pour fabriquer yourtes, tapis, sacs, selles et manteaux, aux motifs et aux couleurs traditionnels. Chaque année, à la fin de l'été, les femmes lavent les toisons des moutons et les battent avec des bâtons de saule avant de les tendre et d'étaler les fibres sur des nattes de roseau. Après avoir été arrosée d'eau chaude et de savon, la natte est enroulée, frappée, roulée et parfois traînée sur le sol par des chevaux à travers les steppes.

Avec le développement de l'industrialisation, la pratique de la fabrication manuelle du feutre déclina. Depuis quelques années, cependant, elle est redécouverte par les artisans du monde entier, séduits par les possibilités multiples de ce textile intemporel, pratique et décoratif. Ces créateurs mêlent à la laine d'autres fibres naturelles tels que poils de chameau, l'alpaga, la soie, le cachemire et le lin. Aujourd'hui le feutre artisanal qui, au XXIè siècle, fait un retour remarqué dans nos vies sous forme de petits tapis, de jetés de lit, de coussins, de tentures murales et de couvertures, est particulièrement apprécié pour son aspect organique, sa texture exceptionnellement douce, et son aspect à la fois beau et fonctionnel.